Le prestigieux Hôtel Montana a accueilli, mercredi, une effervescence culturelle rarement égalée : la 7ᵉ édition du Festival Entènasyonal Literati Kreyòl (FEL) a ouvert ses portes, transformant l’espace en une agora où se sont rencontrés écrivains, universitaires, institutions publiques et acteurs culturels venus honorer la langue créole sous toutes ses facettes.

Cette manifestation littéraire s’articule autour d’un fil conducteur audacieux : « Pou yon kreyolofoni syantifik ak yon kreyolofoni fètfouni : li! li! li kreyòl! ». Ce thème invite à percevoir le créole non plus uniquement comme langue du vécu, mais comme outil de savoir, véhicule d’émancipation intellectuelle et matrice de conscience collective. Dans un pays où cette langue demeure celle du cœur et de la lutte, le FEL en souligne la portée stratégique, identitaire et universelle.

Conçu par l’initiateur culturel Annivince Jean-Baptiste, le festival se veut un pont entre les territoires créolophones. Année après année, il se fixe pour ambition de stimuler la création en créole, favoriser la circulation des œuvres, et rapprocher jeunes, auteurs et chercheurs. L’édition 2025 place Haïti au centre des projecteurs, reconnaissant sa place déterminante dans la sphère créolophone internationale.

Deux invités d’honneur incarnent l’esprit de cette édition : l’écrivain haïtien Pauris Jean-Baptiste et la spécialiste martiniquaise du créole Josette Burlet-Miatéka, dont les travaux ont contribué à renforcer le prestige intellectuel de la langue. Une dimension commémorative accompagne également l’évènement, avec des hommages vibrants au regretté Frankétienne — monument littéraire haïtien — et à Ras Mo, artiste dominiquais dont la poésie a profondément marqué l’imaginaire caribéen.

L’ouverture officielle a rassemblé des partenaires institutionnels majeurs — Académie Créole Haïtienne, Direction Nationale du Livre, Teyat Nasyonal, institutions académiques, ainsi que plusieurs structures de soutien, dont le Fonds National de l’Éducation. Lectures scéniques, fragments théâtraux, discours académiques, expositions et performances musicales ont offert au public une immersion dans la diversité du verbe créole et dans sa force expressive.

La programmation donne une place centrale au public jeune : séances de signatures, ateliers d’écriture, moments de transmission artistique, rencontres avec des auteurs, espaces artisanaux et laboratoires créatifs. Le festival se conçoit comme une passerelle : il reconnecte les citoyens à la production littéraire, permet l’échange intergénérationnel et érige la langue en scène de pensée et de découverte.

Réunissant Haïti, la Martinique, la Guadeloupe, la Dominique et d’autres territoires de la Caraïbe, cette 7ᵉ édition offre un panorama de ce que pourrait être une communauté créole moderne : plurielle, dynamique, enracinée dans la mémoire mais ouverte aux défis de l’avenir — qu’ils soient scientifiques, identitaires ou artistiques. La présence simultanée de chercheurs, de créateurs et de jeunes lecteurs donne chair à cette vision.

À travers ses tribunes, ses regards croisés et ses hommages, le FEL montre que le créole n’est pas seulement une langue : il est territoire mental, archives vivantes, laboratoire esthétique, et instrument de cohésion. L’édition 2025 en fait la démonstration éclatante, rappelant la place d’Haïti comme foyer intellectuel, foyer artistique et cœur battant de la kreyolofoni mondiale.

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